14/01/2020


La créativité et le syndrome de l'imposteur


Créativité 
N.f : capacité, pouvoir qu’à un individu de créer, réaliser quelque chose de nouveau.

C’est quoi exactement la créativité... Elle est innée ? Est-ce qu'on se réveille un matin avec une idée de génie ? Sans s’inspirer, sans se nourrir d’éléments extérieurs ? Est-elle uniquement réservée à une élite éduquée, cultivée ? Mais alors si on se cultive, on devient créatif ? 

UN PARCOURS PEU CREATIF

J'ai jamais eu la sensation d'être créative ni même d'avoir un talent artistique. Pendant des années, j'ai été dans les clous. Etudiante à ASSAS, étudiante en marketing. Pas franchement l'exemple d'un parcours créatif. Mais j'ai toujours eu un jardin secret créatif. Ecrire des chansons avec mon père, faire de la danse pendant 10 ans, rédiger un livre, faire du théâtre et être à ça d'en faire mon métier. Je crois que j'étais une artiste quand j'étais enfant. Mais en grandissant on étouffe vite toute cette magie. Son intuition, la connexion a certains éléments. Je me souviens que mon père auteur-compositeur nous poussait à faire des spectacles à chaque rassemblement familial, il nous filmait et on se repassait la vidéo en analysant nos erreurs, comme des pros. Il y avait milles instruments à la maison, bref lui c'était vraiment un artiste. Mais après ma naissance, il a quitté sa casquette de saltimbanque à 30 ans pour reprendre ses études sur le tard et devenir kinésithérapeute. Pour avoir "un vrai métier". Alors qu'il était entrain de décoller. Inconsciemment, j'avais ancré en moi qu'être artiste était un plus dans la vie mais pas un vrai métier. J'ai étouffé tout ça en me dirigeant vers des études conventionnelles. Et d'ailleurs quand mon père et ma mère se sont séparés, à mes 13 ans, j'ai stoppé la danse, j'ai stoppé le piano, j'ai tout arrêté. Parce que l'art c'était notre passion commune

REVENIR À LA SOURCE

Quand le stylisme m'a attiré, il y avait trois filières dans l'école de mode où j'étais alors j'ai choisi la filière la moins risquée encore une fois. La filière fashion business, "pour pouvoir rebondir". Et pour que la pilule "papa maman j'arrête le droit" passe mieux. Mais quand tu aimes raconter des histoires, créer des concepts, story-teller (oui c'est un verbe) tout et n'importe quoi, tu aimes être à la source de la création pour emmener l'histoire là où tu veux.

Aujourd'hui, à l'aube de mes 30 ans, comme papa, mais en faisant le chemin inverse, je change mon fusil d'épaule. Je vais aller en amont de l'histoire. Je vais assumer cette part d'art qu'on a tous en nous. Je vais cultiver ma créativité, la travailler, me nourrir de films et de musées. M'inspirer de la richesse de mes origines, puiser dans mes souvenirs d'enfance. Redonner vie à certaines femmes de ma famille. Je vais créer.

Alors voilà, ça fait presque un an que j'assume enfin celle que je voulais être à 19 ans. Celle qui dessine, invente des histoires, des motifs... J'ai lancé REZINE en mars 2019. Il m'aura fallu 10 ans pour accepter. Pour faire murir ce projet. 30 ans c'est souvent un tournant dans la vie, on change de métiers, on se marie ou on se sépare, on vit parfois son premier deuil... on fait des bébés. Moi mon bébé c'est ma marque de vêtements. Comme un bébé ça te réveille la nuit, ça t'appauvrit, te donne quelques cheveux blancs. Mais c'est grandiose. Et pourtant, je ne me sens pas légitime. Pas à ma place. Pas assez manuelle.

Mais finalement la créativité c'est dans la tête pas dans les mains. Je me sens comme une illitrée qui voudrait lire et écrire mais qui dicterait tout. Les idées c'est pas ce qui manque. J'en ai mille la seconde, je les gribouille et Antoine les dessine en mieux. Le vrai artiste. Celui qui a fait 15 ans au carrousel du Louvre et que j'admire plus pour cela que pour sa casquette d'avocat. Parce que moi papa, je le préférai saltimbanque et père au foyer qu'avec un super cabinet de kiné.

SYNDROME DE L'IMPOSTEUR

Vous connaissez le syndrome de l’imposteur ? Cette sensation de ne jamais être à ta place, de n'être que mascarade et de ne pas mériter ce qui t'arrive. Je le vis quotidiennement depuis qu’on m’appelle styliste ou créatrice. Je regarde derrière pour voir si on parle bien de moi. Dans ma tête je n’ai le droit que de dire que je suis chef d’entreprise, une marketteuse. Un truc bien terre à terre. Je ne me qualifie jamais avec des statuts artistiques parce que je n’en ai pas les diplômes. J’ai une formation business et je m’interdis toute appartenance au monde de l’art. Et pourtant. Je crée des vêtements. Je transpose mon idée sur papier avec des traits totalement enfantins. Mais c'est ma vision, ma pâte, mon vécu. Ma modéliste les traduit en 3D, mon façonnier leur donne vie en série. Je choisis le tissus et le moindre boutons. La couture intérieure, la longueur, les quantités. Mais je ne me sens toujours pas légitime. C’est sûrement absurde. Mais c’est moi. 

J’ai besoin d’explorer tous les corps et métiers du secteur. En connaître le moindre recoin, me l’approprier. Je veux être coupeur, tailleur, couturière pour oser tous les briefer. En 8 mois je parle presque leur langue : la laize, le droit fil, la parementure, les surpiqûres, surjeter... bientôt l’imposteur deviendra créateur.

J'ai fait cet article pour déculpabiliser tous les gens qui ne choisissent pas la bonne voie des le début. Est-ce qu'il y a vraiment une bonne voie ? Je ne pense pas. La "mauvaise voie" vous différencie et apporte un peu d'originalité à des parcours lisses. J'ai mis 10 ans à accepter celle que je voulais être mais est-ce qu'à 19 ans j'en aurai eu les épaules ? La réponse est non. Mes anciennes études m'ont inculqué rigueur et capacité rédactionnelle. Elles ont fait de moi celle que je suis. Même si c'est atypique. Je n'ai finalement besoin de personne pour rédiger un dossier de presse ou pour le story telling de la marque. Par contre, oui, j'ai besoin de quelqu'un pour donner vie au patronage. Je ne suis pas modéliste. Mais je veux apprendre. Je veux coudre. Je crois qu'aujourd'hui je peux redevenir artiste sans que papa tienne le caméscope. En 2020 j'ai décidé de prendre des cours de couture pour m'aider à me sentir plus légitime. Pour que l'aiguille devienne enfin l'extension de l'idée.

Morale de l'histoire : vous pouvez repousser éternellement celle/celui que vous voulez vraiment être, mais il resurgira, inévitablement. Alors autant le laisser s'exprimer entièrement. Et si il vous manque des compétences, allez les chercher. C'est un peu comme les signes astrologiques. Vous avez votre signe solaire qui prend toute la place et votre ascendant qui essaye d'exister. Je suis bélier. Déterminée, forcenée, impulsive, je ne connais pas le juste-milieu. Il parait que le bélier fonce sans se retourner. Et qu'il pousse les autres à se surpasser... et mon signe lunaire est Taureau... Autant dire que je suis double tarée. Mais je vais rien lâcher en bon bélier.

Et vous, plutôt créative assumée ou en devenir ?




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8 commentaires:

  1. Quel bonheur de te lire, à l’heure où je travaille sur le lancement de mon entreprise. Cette aventure aussi enrichissante, qu’effrayante me fait souvent me remettre en question / me demander si je suis légitime. Si j’ai bien fais de quitter mon cdi de jeune cadre dynamique “pour ça”. Merci, encore une fois, d’avoir les mots justes. ����

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    1. Il faut croire en son intuition. Si tu estimes que c'est ton destin, il n'y a jamais vraiment de bon timing. On trouve toujours des excuses. A 23 ans une grande marque de cosmétiques me proposait un CDI en marketing après mon stage et j'ai décliné car cela m'empêchait de réaliser d'autres rêves plus important à ce moment là (en l'occurence ma chaine youtube à l'époque qui me donnait la possibilité de voyager et aller chez google à Londres et en CDI j'aurai dû passer à côté). Fais toi confiance et n'écoute pas les gens. Tout le monde me disait que j'étais un dingue de pas suivre la route de la sécurité financière.

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  2. Je chérissais ton retour au blog, à l'essence même de ta personnalité.
    J'aime beaucoup cet article, celui de introspection et de la simplicité. J'ai vraiment beaucoup apprécié le fait que tu parles de ton parcours dans le podcast "Julia donne le ton" et que tu remettes tout à la confiance. Et ce fameux syndrome de l'imposteur.
    Faut dire que cela me donne beaucoup à réfléchir, tout bientôt trentenaire et je n'ai pas l'impression de tant m'exprimer que cela. Parcours trop chaotique et à tâtons, je fais l'inventaire de mes 10 ans et j'en ai les larmes aux yeux. C'est vraiment le bel âge comme on dit, on se connaît mieux, on sait nos limites... En tout cas, c'est inspirant de grandir avec toi et de voir tout le chemin parcouru.
    Je t'embrasse fort!

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  3. Ça rassure de voir qu'on n'est pas seul à se poser toutes ces questions ! Merci de te confier à nous et merci pour cet article qui fait du bien à lire ! Je vis une période très difficile. À l'approche de mes 30 ans j'ai envie de changements et d'arrêter de ne plus m'écouter. Le déclic, oui je peux enfin le dire, j'ai eu un déclic. Ça existe et je suis heureuse de le vivre, mais qu'est ce que c'est dur d'emprunter des pensées différentes ! Un travail de tous les jours ! J'adore tes articles, comme toujours. Bisous l'artiste ��

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  4. Bravo pour cet article.
    C'est tout à fait ça :
    "en grandissant on étouffe vite toute cette magie" et "le syndrome de l'imposteur", additionnée à des parents pas très encourageant ou valorisant, difficile de savoir où est sa place.
    Puis j'ai tenté la création de bijoux et encore ce fichu manque de confiance qui fait que je garde une autre activité salariée en parallèle.
    Et en même temps, être touché à tout, fait qu'on a envie de mille choses à la fois et ne pas se cantonner à une seule activité. Bélier ascendant gémeaux, ceci explique peut-être cela ! 😉
    Bref, ton article fait totalement écho en moi. Bravo et merci.

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  5. Bonjour Sarah,
    Merci de partager tout ça avec nous. Ton article est génial, touchant, encourageant. Félicitations pour ce que tu entreprends!
    Je ressens souvent le syndrome de l'imposteur et la sensation de na pas être à ma place, je cherche ma place.
    C'est difficile surtout avec un entourage assez réticent aux changements qu'ils voient comme une prise de risque (inconsidéré) et donc peu d'encouragement pour trouver sa voie.
    Bises

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Awin